Mexique

Mexique : Día de los muertos

Ecrit par Pauline

« Día de los muertos » (Jour des morts en espagnol) est la coutume la plus célébrée au Mexique. C’est une fête traditionnelle où sont réunis le monde réel, celui des Hommes sur Terre, et le monde imaginaire, celui des morts.

Le Jour des morts est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.

Origine du « Día de los muertos »

« Día de los muertos » est un des nombreux témoignages du mélange entre deux mondes : celui des peuples indigènes avec leurs traditions pré-colombiennes et celui des Espagnols avec leurs traditions catholiques. Il y a une grande diversité dans les rituels, différents suivant les régions et les origines ethniques.

A l’époque de Moctezuma, le dernier empereur aztèque, des festivités pour les morts, similaires à celles que l’on peut voir aujourd’hui, étaient organisées au Mexique (chant, danse, offrandes…) en distinguant celles pour les enfants et celles pour les adultes.

Pour les indigènes, il s’agissait d’un moment privilégié pour rencontrer ses ancêtres mais aussi pour permettre la rencontre entre les Hommes eux-mêmes qui se réunissaient alors pour un culte commun.

A l’époque pré-hispanique, les crânes des ennemis vaincus étaient gardés comme trophées après guerre et exposés aux yeux de tous. Ils symbolisaient à la fois la mort et la renaissance.

Pour la Toussaint, les Espagnols venaient dans les cimetières y déposer du vin et du pain, sur des autels illuminés par des bougies, pour apaiser les esprits.

Les différences entre traditions catholiques et pré-hispaniques

A cette époque, et toujours encore, nous pouvons dire que les Espagnols, et plus largement les européens, craignent la mort, contrairement aux mexicains qui se rient d’elle. La mort fascine d’un côté et terrorise de l’autre.

Traditions catholiques

Dans le monde catholique, les célébrations consacrées aux défunts se déroulent les 1er et 2 novembre. Nous l’appelons Toussaint, fête des saints et des morts. Mais quelle est son origine ?

Les personnes étant accueillies au Royaume de Dieu étant tellement nombreuses, il était impossible de consacrer une fête à chacun d’entre eux. L’Église catholique a donc décidé de tous les célébrer à la même date. Ainsi le 1er novembre est consacré aux saints tandis que le 2 novembre est le jour de prière des défunts. A l’origine, la célébration consistait à organiser des messes, chants, aumônes, pour que les vivants aident les morts à l’aide de prières.

Selon les croyances catholiques, les âmes des défunts prennent 3 chemins différents selon la vie qu’ils ont mené durant leur existence :

  • les âmes pures vont au Paradis
  • les âmes pêcheresses vont en Enfer
  • les âmes impures mais en grâce de Dieu vont au Purgatoire (en attendant d’être purifiées et envoyées au Paradis)

Traditions pré-hispaniques

Pour les ancêtres mexicains, la mort n’avait pas la connotation morale de la religion catholique, où l’idée de l’enfer et du paradis servent à punir ou récompenser la conduite de chacun. Ils pensaient au contraire que la direction que prenait l’âme des défunts était déterminée par la façon dont ils étaient morts, plus que par leur comportement de leur vivant.

tlaloc

Tlaloc

Une des directions que prenait l’âme des morts était le « Tlalocan » ou le paradis du dieu de la pluie Tlaloc. Cet endroit était réservé à ceux qui mourraient dans des circonstances liées à l’eau. Leurs corps étaient alors enterrés avec des graines qui allaient pouvoir germer.

Huitzilopochtli

Huitzilopochtli

Le « Omeyocan » était le paradis du soleil, dirigé par Huitzilopochtli, le dieu de la guerre. Ici n’arrivaient que ceux qui étaient morts au combat, les prisonniers et les femmes mortes en couche. Omeyocan était un lieu merveilleux où les fleurs ne fanaient jamais.

« Mictlan » était réservé à ceux qui mourraient de mort naturel. Le chemin pour y arriver était très long. En effet, les défunts passaient 4 années à transiter par différents lieux avant d’arriver.

Célébrations au Mexique

Les célébrations sont aujourd’hui le fruit du mélange entre les traditions catholiques et les traditions pré-hispaniques.

Le 1er novembre est le jour des enfants morts, qu’on appelle « angelitos », et le 2 est dédié aux adultes disparus. Cependant, certaines communautés étendent les festivités du 25 octobre au 3 novembre, voire même sur tout le mois de novembre comme dans l’Etat de Tabasco par exemple.

Contrairement au sens généralement donné à ce jour dans le monde catholique où la mort évoque la tristesse, le manque, voire les regrets (ne dit-on pas « pleurer la mort de quelqu’un » ?), le « Día de los muertos » revêt un caractère inhabituellement festif dans cette partie du monde.

El culto a la vida, si de verdad es profundo y total,
es también culto a la muerte.
Ambas son inseparables.

Una civilización que niega a la muerte
acaba por negar a la vida.

Le culte de la vie, s’il est vraiment profond et total,
est aussi un culte à la mort.
Les deux sont inséparables.

Une civilisation qui nie la mort
finit par nier la vie.

Octavio Paz, “Todos Santos Día de Muertos”, El laberinto de la soledad, 1950.

Les familles des défunts se rendent dans les cimetières pour nettoyer les sépultures et érigent des autels dans leurs maisons afin d’y déposer leurs offrandes.

autel offrandes dia de los muertos

La proximité temporelle du « Día de los muertos » avec Halloween explique pourquoi on croise aussi beaucoup de citrouilles, sorcières et autres fantômes, bien que ces coutumes d’origine américaine n’ont rien à voir avec la tradition mexicaine.

Les offrandes

La fonction première des offrandes est de faire plaisir aux défunts. C’est pourquoi les aliments prennent une place importante. On trouve surtout le « Pan de muerto », pain de mort, une brioche sucrée dont la forme symbolise le crâne et les os, ainsi que des calaveritas de azùcar (petits crânes en sucre). On trouve aussi des fruits, des bonbons, des chocolats, et parfois même des plats entiers. Tout autel doit également être composé de boissons pour satisfaire la soif des défunts, et en particulier de la tequila !

offrandes dia de los muertos

La tradition des offrandes vient du Mexique pré-hispanique dont l’idéologie relative à la mort était le commencement d’une vie nouvelle dans un cycle nouveau.

A Cholula, par exemple, vivaient des communautés qui fêtaient la mort et recevaient les défunts avec des offrandes qui consistaient en un cercle de sel ou de chaux divisé en 4 dans lequel était placé tout ce qu’aimait le défunt.

C’est à Mixquic et Patzcuaro que la tradition est restée quasiment intacte et que les célébrations sont les plus pittoresques.

Nous nous sommes rendus à Mixquic.

mixquic dia de los muertos

Ici, la commémoration des morts est formée par divers rituels durant toute l’année. En début d’année, quelques familles commencent à semer et cultiver le cempoalxúchitl (voir plus bas) pour que le 29 septembre, jour de la Saint Miguel, elles puissent fleurir la tombe de ses proches. A cette occasion, les familles invitent les défunts à se réunir avec elles les 1er et 2 novembre. Entre autres activités, comme l’élaboration du pain des morts et la mise en place des illuminations, ont été conservées les croyances liées aux dieux pré-hispaniques comme Mictantecuhtli, dieu de la mort.

Mixquic est aujourd’hui l’endroit où se réunissent touristes, commerçants et habitants, faisant de cette commémoration un événement touristique, commercial et culturel où la mort est synonyme de tradition et coutumes depuis l’époque précolombienne.

Le 2 novembre, les familles se rendent au cimetière où ils érigent des autels pour leurs défunts. L’endroit est rempli de bougies, fleurs et fumée. L’encens embaume l’air. Le cimetière est ouvert toute la nuit et ne désemplit pas.

mixquic dia de los muertos cemeterio

J’ai eu l’honneur de discuter avec une maman originaire de Mixquic dont le fils est mort d’un cancer il y a 2 ans à seulement 18 ans. Cette femme m’a raconté que son fils était trop fatigué pour lutter, qu’il souhaitait être en paix et qu’aujourd’hui il l’était enfin. En la regardant agiter inlassablement la fumée du copal, j’ai vu de la tristesse dans ses yeux mais aussi de la joie et de l’espérance. Cette maman était heureuse que son fils puisse enfin se reposer là où il est aujourd’hui.

La signification de la fleur cempoalxúchitl

cempoalxúchitl flor muerto

Il s’agit de la fleur de saison. Au Mexique, on l’utilise comme décoration et comme offrande le jour des morts. Le rituel consiste à déposer les pétales de cette fleur au sol pour marquer le chemin que doivent suivre les âmes des défunts jusqu’aux autels érigés en leur honneur par leur famille. La couleur jaune/orange éclaire comme le soleil et aide les défunts à ne pas se perdre.

camino de cempoalxúchitl

Le mot cempoalxúchitl vient de la langue nahuatl (langue indigène du Mexique, toujours parlée par 1,5 millions de personnes) qui signifie fleur aux 20 pétales.

L’autel

D’autres fleurs que la cempoalxúchitl sont les bienvenues sur l’autel. Les fleurs blanches représentent le ciel, les jaunes la terre et les mauves le deuil. Les images religieuses de saints et de vierges sont exposées en fonction des croyances de chaque famille.

L’encens, le copal et les bougies sont indispensables. Sur les autels des indigènes, le copal est brûlé dans un « sahumador ». La fumée qui se répand dans l’air, entre la terre et le ciel, permet la communication avec les dieux. Le papier piqué (qui donnent souvent des formes de tête de mort ou de squelette) représente la joie de vivre. La couleur mauve ou rose foncé signale le deuil chrétien, tandis que la couleur orange est réservée au deuil aztèque. Les photos et les objets ayant appartenu aux défunts sont également placés sur l’autel.

bougies dia de los muertos mixquic

Les personnes décédées dans le mois précédent ne reçoivent en théorie pas d’offrande car elles n’ont pas eu le temps de demander la permission de retourner sur Terre. Pour les enfants morts avant d’avoir été baptisés, on offre des fleurs blanches et des cierges. Pour les autres, on apporte des jouets. Pour les adultes, on apporte des bouteilles de tequila.

De grands autels sont aussi érigés dans la rue. Il y a presque une compétition pour savoir lequel est le plus beau.

Défilés, spectacles, animations…

Les célébrations se font aujourd’hui sous toutes sortes de formes. Nous avons même vu dans notre quartier un défilé de voitures décorées pour le jour des morts. Notre voiture a fait partie du défilé, même sans être décorée… c’était le chemin le plus court ! On était tout de même déguisé dans la voiture et on a joué le jeu en faisant peur aux spectateurs. Un moment très drôle !

voitures dia de los muertos mexico df

Les figures célèbres de la fête des morts

Santa Catrina

La Catrina, représentée par un squelette féminin ornée d’un énorme chapeau de fleurs et d’une grande robe élégante, est devenue un des symboles de la fête des morts au Mexique. Elle sert à rappeler que la mort touche tout le monde, peu importe les différences sociales. Elle représente également une critique des indigènes adoptant les comportements et habitudes vestimentaires des européens, abandonnant ainsi leur propre culture.

catrina dia de los muertos

Santa Muerte

La Santa Muerte est elle habillée de manière beaucoup plus sombre et macabre et porte une faux, une tunique colorée qui lui couvre aussi la tête ainsi qu’une couronne. Ce sont principalement les délinquants, les personnes qui se mettent en danger, les pauvres et les malades qui la prient. Considéré autrefois comme un rite sataniste, sa vénération s’est aujourd’hui développée publiquement.

santa Muerte dia de los muertos

Source : vocativ.com

Où célébrer le Día de los muertos au Mexique ?

Quasiment tout le pays vit au rythme de ces festivités, mais aussi une partie des États-Unis où la communauté d’origine mexicaine est importante. Dans la capitale, de nombreux quartiers offrent des animations, des défilés, des spectacles et érigent de très beaux autels, comme le quartier de San Ángel où nous sommes allés.

Mixquic et l’Etat de Michoacán, où vivent encore de nombreux indigènes, sont les endroits où la tradition est restée très imprégnée dans la culture locale, même si le tourisme et le commerce ont tendance à amoindrir son authenticité.

Puebla, Aguascaliente ou encore San Miguel de Allende sont également des villes où les festivités battent leur plein.

Vous ne trouverez, en revanche, pas de fêtes très traditionnelles aux abords de Cancùn.

Durant ce voyage, et grâce à cet évènement, j’ai découvert un Mexique nouveau. Un Mexique spirituel, énigmatique. Un Mexique qui n’a pas peur de la mort. Un Mexique qui aime la vie et profite de chaque instant.

La vie n’a de sens que parce qu’elle est éphémère.

Découvrez le Mexique en vidéo

Que vous inspirent ces voyages culturels et spirituels ?

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3 Commentaires

  • Bonjour « Graine de voyageuse » !

    Après une année d’absence (1), CuriousCat est de retour sur son blog. Dans le cadre de mon article https://lopticoindescurieuxdecuriouscat.wordpress.com/2018/12/15/des-couleurs-a-la-vie-a-la-mort/ , je me suis permise de te citer en renvoyant mes lecteurs vers ton excellent post sur « el dia de muertos ».
    Séduisant, ton blog devrait ainsi t’amener de nouveaux abonnés… n’en sois pas surprise ! 😉

    J’espère à présent trouver le temps de rattraper mon retard et suis certaine de découvrir de merveilleux articles, ici ou là, chez nos amis blogueurs et de faire, grâce à toi, de beaux voyages virtuels…. à défaut de moyens pour vivre mes rêves « in real life ».

    Bon week-end, au plaisir des news.

    Catherine

    PS : Je n’ai pas trouvé le widget pour « liker » ton article et lui attribuer les étoiles qu’il mérite ?…

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